J’ai rencontré Catherine Mamet en 2008
Artiste de Chartreuse, elle est installée à Pommiers-La-Placette, un petit village de montagne, à une vingtaine de kilomètres de Grenoble. Dans un vaste atelier abrité dans une jolie maison en pierres entourée de verdure, ses sculptures prennent vie.
Le parcours de cette artiste est atypique. Après une formation initiale aux Beaux-Arts d’Avignon, elle se tourne quelques années vers le métier d’éducatrice spécialisée, pour revenir définitivement à sa passion première. Depuis une vingtaine d’années elle se consacre entièrement à son art. Elle réalise entre vingt et trente sculptures par an, tout en donnant des cours plusieurs fois par semaine dans son atelier et en préparant de nombreuses expositions.
La féminité sous toutes ses formes se trouve au cœur de son œuvre. De la rugosité d’une pierre tirée d’un torrent, ou d’une souche tourmentée d’un arbre fruitier, l’artiste enfante des formes rondes, lisses, amples toutes en douceur, des ventres épanouis, de tendres enlacements de mères nourricières aux seins lourds, des vierges noires. Comme des Déesses préhistoriques de la fécondité, elles sont aussi rondes que la terre mère.
Dans son espace d’exposition où chaque œuvre trouve sa place, trois grandes sculptures en bois ont ce jour-là spécialement attiré mon attention. Des méditants. Sont-ils en route pour St Jacques, la Mecque ou un monastère bouddhiste ? Pèlerins d’hier ou d’aujourd’hui, d’ici ou de là-bas, l’extrême simplification des volumes d’où émerge une prière silencieuse est saisissante. Au pied de ces méditants sont fichés dans le sable de beaux galets finement ciselés d’entrelacs, de rouelles, mantras tibétains ou autres calligraphies.
On dirait que rien n’entame l’énergie de Catherine Mamet. Elle s’attaque aux matériaux les plus durs comme la pierre ou le bois. Elle n’hésite pas à mettre son talent au service d’œuvres les plus éphémères en sable ou en glace lors de rencontres annuelles avec d’autres artistes. Elle utilise les outils des plus lourds tels que disqueuse ou compresseur aux plus fins pour le ciselage. Elle peut réaliser sur commande des œuvres allant jusqu’au monumental, comme sa femme montagne, installée devant la mairie de Saint Egrève qui ne mesure pas moins de deux mètres, et pèse 5 tonnes. A d’autres moments elle modèle finement de la cire ou de la terre avec ses doigts pour dessiner dans l’espace des postures de yoga, qui trouveront leur expression à travers de petites femmes en bronze toutes en légèreté.
Que l’on ne s’y trompe pas, l’artiste n’aime pas ce qui est mièvre. Lisse, poli jusqu’à l’extrême son travail est en fait un subtil mélange de force et de douceur. Grâce, si l’on regarde bien, aux traits de burin ou aux aspérités de la matière qu’elle laisse volontiers apparaître.
Par ce qu’elle propose de plus singulier dans son exploration des signes et des symboles, de plus intime dans ses maternités, Catherine Mamet nous amène à accéder à un monde plus élevé. Son œuvre est médité. A travers son travail de sculpteur elle cherche à construire un pont entre l’intime et l’universel.
Estelle Goutorbe, Historienne de l’Art, avril 2013